Littérature inspirée par Hoedic et Houat
Depuis le mythe de l’Atlantide de Platon et l’Odyssée d’Homère, le thème de l’île n’a cessé de nourrir l’imagination des écrivains. Ailleurs singulier qui ne se laisse pas aisément saisir, propice à la rêverie, à la méditation, à la réflexion, où la temporalité est différente, l’île est un espace de fiction idéal qui a inspiré nombre d’artistes.
Christine Hartemann - © Melvan - août 2016
Pour ce que nous en savons actuellement, Houat et Hoedic apparaissent nommément dans le champ littéraire au XIXème siècle avec Auguste Brizeux (1803-1858). Dans son long poème « Les Bretons » paru en 1845, il décrit le périple d’un jeune pâtre promis à la prêtrise dont le chemin va passer par Hoedic où la vie est rude et paisible. Le tableau poétique de ce lieu sauvage et triste est sublimé, Brizeux y dépeint des insulaires accueillants et vertueux. (1)
En 1879, « Le recteur de l’île de Houat » est une des seize légendes collectées par le breton Ernest du Laurens de la Barre (1819-1881), notaire, juge de paix, écrivain, parmi les premiers à avoir recueilli et transcrit en français les contes de sa région d’origine. Au début du XIXème siècle, le recteur de Houat est un saint homme et l’histoire qui nous est contée, se révèle aussi mouvementée qu’édifiante.
En 1888, Alphonse Daudet (1840-1897) fait paraître ses « Souvenirs d’un homme de lettres ». Il relate sa découverte de Houat après une traversée plaisante par mer calme. Il visite le village, parcourt le cimetière mais reste peu précis sur ses déambulations. Ses observations portent aussi sur les habitants, le rôle du recteur, l’organisation de la vie quotidienne, mettant en avant un côté exotique et primitif de l’insularité. (2)
Ces mêmes observations sont faites par Henry Céard (1851-1924), romancier et critique littéraire, proche de Zola jusqu’à l’affaire Dreyfus, qui publie « Terrains à vendre au bord de la mer » en 1906, ouvrage dense de 800 pages, réédité en 2000. Quelques passages montrant que l’auteur connait son sujet, sont consacrées à Houat, baptisée Kioc’h Vor. La vision de Céard, qui s’était installé à Belle-Île au début des années 1900, est toutefois pessimiste et tranche avec la plupart des autres écrivains.
On peut citer rapidement « L’île des pingouins » d’Anatole France (1844-1925) publié en 1908 car seules quelques lignes sont consacrées à Hoedic dans ce roman historique où l’auteur donne à ses personnages des noms de pingouins en plusieurs langues. (3)
En 1920, Eugène Montfort (1877-1936), homme de lettres alors bien connu pour sa revue « Les Marges » fait imprimer « Un cœur vierge », roman dont l’intrigue amoureuse se déroule à Houat, ce qui permet à l’auteur de combiner éléments de réalité sur l’île au début du XXème siècle et fantaisie littéraire.
Le cinéaste Jean Epstein (1897-1953), qui avait tourné « L’or des mers » à Hoedic en 1932 (4) publie, deux ans après, « Les recteurs et la sirène », roman qui met en scène la vie âpre et difficile sur l’île de Huernn, autrement dit Hoedic, communauté isolée dominée par la figure toute puissante du recteur.
En 1935, Madeleine Desroseaux (1874-1939), poétesse et romancière, rédige pour le numéro 9 de La Revue des deux Mondes un article de vingt cinq pages, vingt pour Houat, cinq pour Hoedic, qui mêle éléments historiques (découvertes archéologiques des Péquart par exemple) et témoignage précieux sur ce qu’étaient les îles à cette époque. (5)
En 1944, dans son recueil de nouvelles « Marines », Jean Merrien (1905-1972) situe un de ces textes sobrement intitulé « Ile » sur Melvan, autrement nommée « L’île aux chevaux », caillou désert entre Houat et Hoedic. Le héros en est une sorte de Robinson Crusoé qui finira par recueillir un jeune Vendredi. (6)
En 1947, paraît « Le ressac » de Roger Le Grand, véritable ode à la beauté de Houat, en même temps que document richement informé sur l’histoire, passée et présente de l’île, la trame romanesque s’y trouvant parfaitement insérée.
Dans « Le naufrage du Monte Cristo », paru en 1973, Jean Mistler (1897-1988), s’inspirant du naufrage d’un grand trois-mâts qui aurait sombré en 1846 sur la côte sauvage, compose un récit qui mêle fiction romanesque et description assez précise des îles.
En 1978, Jean Noli, écrivain et journaliste (1928-2000), installé à Hoedic, obtient le prix des Libraires pour son roman « La Grâce de Dieu », sorti l’année précédente. Les critiques louent « l’extraordinaire puissance d’évocation » de ce « roman plein de Bretagne comme une fresque de granit ». Le livre a été réédité en 2000.
Dans un style très différent, Iain Pears, historien d’art et écrivain né en Ecosse en 1955, situe l’intrigue de son thriller « Le portrait », paru en 2005, sur Houat : un peintre et un critique, autrefois très liés, se retrouvent sur l’île et règlent leurs comptes. L’histoire se déroule au début du XXème siècle.
Houat fut aussi le lieu de résidence pendant plusieurs années de l’écrivain Henri Thomas (1912-1993), lequel découvrit l’île vers 1972, s’y installa de 1982 à 1988. Si Henri Thomas ne consacra aucun livre en particulier à l’île, il existe cependant un article « Mon île de Houat »publié dans l’Express du 5-11 août 1983 et des notations éparses que l’on retrouve dans la correspondance ou des entretiens. (7)
C’est aussi à travers sa correspondance qu’Henri Queffélec (1910-1992) fait part à son ami suédois Rolf Edgren de sa découverte de Houat et Hoedic dans les années 1950. Finistérien d’origine, Queffélec aimait les îles bretonnes, et y situa plusieurs de ses romans. « La mouette et la croix », paru en 1969, évoque de façon romanesque la figure du recteur Marion qui officia à Hoedic de 1780 à 1822. (8)
En 1995, François Boddaert, poète, romancier et éditeur, né en 1951, réunit dans « Melven roc des chevaux », des nouvelles qu’il nomme proses insulaires, précédées d’une « glose infime sur les vents dominants et leurs guetteurs ». La dernière de ces proses est consacrée à Henri Thomas, autrement nommé Souvrault dans le texte, lors de son séjour à Houat.
Citons également « Iliennes » d’Armelle Guémas, native d’Hoedic, qui raconte ses « souvenirs de vacances sur une île bretonne » publié en 2003 et fit paraître en 1996 un recueil de poèmes « Les saisons d’une île ».
« Houat et Hoedic ou les îles de l’au-delà » sont deux « figures mentales » de l’écrivain Franc Mallet, né en 1936 à Saint Nazaire, qui, dans une prose élégante, détaille tout ce que le regard embrasse sur les deux îles. Le livre, paru en 2005, se clôt sur quelques repères chronologiques.
Dans le domaine de la poésie, Houat en été a inspiré Patrice Repusseau, poète français né en 1948, dont les vers libres ont été édités en 2013 sous le titre d’ « Ebleui », assortis d’un court texte en fin de volume sur la rencontre avec Henri Thomas.
Cette liste des œuvres que les deux îles ont inspirées dans le domaine littéraire n’est évidemment pas exhaustive et toute information nouvelle ou complémentaire sera la bienvenue.
1 – La revue des deux îles 2006 n°3 p 175-186
2 – ibid 2008 n°5 p 155-167
3 – ibid 2004 n°1 p 97-98 et 2011 n°8 p 141-146
4 – ibid 2006 n°3 p 135-158
5 - ibid 2012 n°9 p 143-168
6 – ibid 2005 n°2 p 141-146
7 – ibid 2009 n°6 p 141-158
8 – ibid 2011 n°8 p 147-167