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Préhistoire de l'archipel Houat-Hoedic

Au large de la presqu'île de Rhuys, l'archipel Houat-Hoedic est installé sur les vestiges d'une croupe granitique qui s'étire de Quiberon en direction du Croisic et de l’estuaire de la Loire. Cette configuration a évolué en fonction de la remontée progressive du niveau de la mer pendant les dix derniers millénaires. Vers 7000 avant J.-C., les deux îles n'en faisaient qu'une, séparées du continent par le couloir de la Teignouse qui formait le lit de la Vilaine. Puis vers 3500 av. J.-C. les deux îles se séparent pour longtemps et atteignent leur forme actuelle.

Jean-Marc Large - © Melvan - août 2016

Les derniers chasseurs-collecteurs

Cimetière mésolithique découvert par Marthe et St. Just Péquart au début des années 1930 – Port Neuf, Hoedic
Péquart fouilles 1933 014

C'est dans ce contexte insulaire très particulier que les populations de la Préhistoire récente se sont installées dans différents endroits de l'archipel. Les traces les plus anciennes de la présence humaine que l'on connaît datent du Paléolithique ancien et moyen sur l'île d'Hoedic où quelques outils ont pu être découverts. Mais c'est surtout à la fin de la période des chasseurs-collecteurs que les installations humaines signent leurs traces tangibles les plus anciennes. Vers le milieu du 6e millénaire avant J.-C., des communautés de chasseurs-collecteurs s'installent sur les pointements de l'îlot de Melvan, entre Houat et Belle-Île. Ils y laissent une abondante industrie d'outils en silex. Leurs morts sont groupés en nécropoles, signes d'une certaine stabilité des populations qui ne semblent pas si itinérantes que ça. Et c'est l'une d'entre elles qui a été retrouvée au début des années 1930 par la famille Péquart à Port-Neuf à Hoedic. Neuf sépultures contenant les restes de 13 individus ont été patiemment dégagées des fosses sépulcrales. Les datations concernant le temps de l'utilisation de la nécropole sont toujours discutées mais la situent dans le milieu du 6e millénaire avant notre ère. Les individus sont des deux sexes, adultes et enfants. Ils sont souvent parés de coquillages, de dents de cerfs et recouverts d'ocre. Leur position est recherchée, indiquant une volonté de mettre en scène les personnages. Des bois de cerfs servent d'armature suspendue au-dessus des corps et encadrent quelquefois le défunt. Des pierres matérialisent pour quelques cas l'entourage des tombes. Ces sépultures étaient installées dans un amas coquillier, ce qui indique que les cabanes ou les maisons des vivants n'étaient pas installées très loin. Avec celle de Téviec, la nécropole de Port-Neuf constitue l'une des plus importantes de cette époque.

Mégalithisme des premiers agriculteurs

La "Dame du Douet", fouilles de J.M. Large – Hoedic
dame du douet

Faisant suite à cette importante présence des derniers chasseurs-collecteurs, les premiers colons néolithiques — premiers paysans —, s’installent à leur tour sur les deux îles, au début du 5e millénaire. Ce ne sont pas des habitats qui sont connus mais des installations architecturales effectuées avec des gros blocs de pierres ainsi que des moellons moins volumineux. Pour des raisons de croyance, des files de pierres dressées sont mises en place sur les deux îles. À Houat, sur l'îlot de Cénis, une de ces files a été découverte récemment mais elle fut rapidement détruite. À Hoedic, plusieurs de ces files sont connues et deux d'entre elles ont été fouillées au début du XXIe siècle. Au Douet, une petite file de pierres dressées était alignée selon le lever du soleil au solstice d'été. Plusieurs des pierres de l'alignement ont fait l'objet de dépôts symboliques, notamment des céramiques, des galets choisis pour leur forme, des lames de haches polies. L'un des blocs de la file est une véritable stèle, grande figure humaine stylisée qui termine la file. Au Groah Denn, à quelques dizaines de mètres du Douet, un autre alignement fait le lien entre des grands rochers qui marquent le trait du rivage nord de l'île. La situation est plus compliquée pour ce site car cette ligne de pierres dressées a été largement modifiée par les populations qui se sont succédé sur l'île. On retrouve là encore des dépôts d'objets au pied de certains blocs mais aussi des aménagements architecturaux complexes dont, notamment, une grande chaussée de pierres qui englobe les blocs érigés. Le site du Groah Denn a été implanté sur une occupation plus ancienne, matérialisée par des foyers, contemporaine de la nécropole de Port-Neuf.

Menhir de la Vierge et dolmen de la Croix – Hoedic
512 hc neolithique dolmen de la croix vu depuis le menhir de la vierge en juillet 2009

Ces files marquaient le territoire comme celles plus connues de Carnac. Les premiers paysans ont mis en scène un vaste territoire qui entourait le Mor Bras et le golfe du Morbihan. Les menhirs font parti aussi de ce dispositif de modification du paysage. Le grand menhir de la Vierge à Hoedic est resté debout parce qu'il a toujours été un repère pour les marins qui cabotaient le long de la ligne de côte. L'intérêt pour ce marquage territorial va progressivement changer et ce sont d'autres architectures qui vont apparaître tout le long du littoral atlantique et, inévitablement, on retrouve leurs traces à Houat et à Hoedic. Les dolmens, composés d’une chambre funéraire et d’un couloir d’accès, faisaient office de tombeaux. Ils étaient entourés d’un cairn en pierre sèche qui, souvent, a disparu. Plusieurs d'entre eux ont été fouillés, essentiellement au début du XXe siècle, mais la plupart sont ruinés, laissant ça et là quelques blocs visibles dans la lande de Houat et d'Hoedic, propices à la rêverie romantique...

Chasseurs de phoques et tailleurs de silex

Fouilles menées par  Zacharie Le Rouzic et les Péquarts en 1926 sur Er Yoh – Houat
24.er yoh 1926 2

A la fin de la période Néolithique, ce sont d'autres installations humaines qui sont perceptibles sur les deux îles. Sur l'îlot de Er Yoh, au large de Houat, un campement de la fin du 4e millénaire a été partiellement fouillé à la fin des années 1920. De nombreux restes de céramiques ainsi que de faunes attestent de l'importance de cette occupation — peut-être provisoire — pour chasser les phoques, alors nombreux dans la région. Un autre de ces campements a été repéré sur l'îlot de Cénis, de l'autre côté de Houat et aussi au Groah Denn à Hoedic où ces paysans sont venus débiter du silex à partir de petits galets collectés sur l'estran. La Pointe du Vieux Château à Hoedic recèle une ligne de blocs aménagée à cette époque qui matérialise la limite de l'emprise.

La métallurgie du bronze

Il est vraisemblable qu'à partir du moment où ces îles ont été occupées dès la fin du Mésolithique, les installations humaines, provisoires ou définitives, n'ont pas cessé. Toutefois, l'archéologue n'a pas encore saisi complètement cette stratégie d'occupation. Il reste des lacunes temporelles. C'est ainsi qu'il y a un hiatus important entre la fin du Néolithique et la fin de l'Âge du bronze (3000-1000 av. notre ère) puisque c'est seulement à la fin de l'Âge du bronze que l'on date le dépôt d'éléments métalliques découvert sur le plateau de Houat. La métallurgie du bronze était alors florissante sur le littoral atlantique.

Bouilleurs de sel gaulois

Avant l'émergence de l'Histoire, les occupations les plus importantes datées juste avant la conquête romaine concernent des artisans bouilleurs de sel dont les ateliers ont été repérés dans plusieurs endroits de Houat et d'Hoedic et, notamment, à Port-Blanc (Hoedic) où une fouille récente a dégagé tout un ensemble d'exploitation du sel et des ressources côtières. Ces ateliers étaient aussi des espaces de chalandise puisque des restes d'amphores vinaires y ont été retrouvés.

L'archéologie de ces îles témoigne d'un passé riche, tumultueux, encore un peu confus mais indiquant la vitalité des occupations humaines qui ne cessera de valoriser ces îles pendant l'histoire récente. Certes, l'absence de témoignages écrits de ces époques lointaines rend problématique certaines de nos interprétations mais les faits sont là, têtus, incrustés dans le sable et le granite pouvant murmurer des paroles lointaines à ceux qui veulent prendre le temps de les écouter...

Dolmen de Port-Louit, fouilles de Jean-Marc Large en 2005 – Hoedic
5113 hc neolithique port louit le site en vue aerienne