Niveaux marins et insularité de l’archipel Houat-Hoedic
Le niveau des océans a évolué de manière importante au cours des temps géologiques, en raison de variations climatiques ou de mouvements tectoniques. À cette échelle de temps, les territoires de Houat et Hoedic ont le plus souvent été non insulaires. Pendant des millions d’années, ils étaient indifférenciés du fond marin puis pendant quelques centaines de milliers d’années, des terres hautes perdues au milieu d’un espace continental glacé. Leur insularité actuelle ne s’est installée que récemment (à cette échelle), au cours de l’Holocène, en présence des chasseurs-cueilleurs du Mésolithique.
Pierre Buttin - © Melvan - août 2016
Quand l’archipel était surtout submergé...
Une courbe des niveaux marins remontant à 540 millions d’années a été proposée sur la base de profils sismiques. Sans faire l’unanimité, cette analyse reste une référence. Elle suggère des niveaux le plus souvent très élevés, en relation avec de hautes températures, coupé de deux grandes phases de refroidissements avec glaciation et régressions marines. En Bretagne, les sédiments de la mer des Faluns témoignent de la présence, il y a environ 15 millions d’années, de la mer sur une grande partie de la région jusqu’à un niveau de + 120 m, avec une faune de type subtropical. Les deux îles n’étaient alors qu’une ondulation du fond marin ! À Hoedic, d’importants dépôts sédimentaires de galets et de sable ocre-rouge et argileux (supérieur à 5 m) ont été exploités en carrière à partir de 1972, pour stabiliser les chemins. Ce type de dépôt « fluvio-maritime » est daté (avec une certaine incertitude) du Plio-Pléistocène (1 à 5 millions d’années). Il pourrait correspondre à un ancien parcours de la Loire passant dans les marais de la Brière vers l’actuelle baie de Vilaine.
Puis l’archipel fut surtout continental...
Au cours des derniers 500 000 ans, le climat se refroidit nettement, avec quelques interglaciaires plus doux tel que la période actuelle. Pendant les périodes froides, les glaces s’accumulaient sur les continents, entraînant un abaissement important du niveau de la mer, approchant les -150 m. Hoedic et Houat furent le plus souvent continentales pendant ce demi-million d’années, collines froides couvertes d’une végétation de toundra à une centaine de kilomètres du littoral. La vallée de la Vilaine se prolongeait alors entre Houat et la presqu’île de Rhuys, puis entre Houat et Quiberon par le passage de la Teignouse. Lors des brefs maxima des interglaciaires, la mer remontait jusqu’à un niveau proche de l’actuel : Hoedic et Houat redevenaient insulaires. Lors de la transgression éémienne (-120 000 ans), l’élévation des océans fut légèrement supérieure au niveau que nous connaissons (+ 5 m). Des plages fossiles en élévation en témoignent, comme celle de Beg Lagat à Hoedic.
L’archipel enfin insulaire...
L’Holocène qui s’étend sur les 10 000 dernières années est assimilable à un interglaciaire chaud, intégrant la fin de la transgression flandrienne initiée il y a 20 000 ans. À son maximum, la remontée des eaux fut très rapide, jusqu’à 3 m par siècle. Elle dut être stupéfiante pour les populations littorales et pourrait être à l’origine des légendes de mondes engloutis qui circulent dans différentes parties du monde jusque aux abords des deux îles, telle cette route qui allait de Quiberon à Houat « dans une forêt si épaisse qu’il fallait s’éclairer de torches pour la traverser... ». Hoedic et Houat, encore continentales au début de l’Holocène, vont progressivement s’isoler, d’abord en une grande île unique vers 7000 ans av. J.-C., puis, à partir de 6000 ans av. J.-C., devenir les deux îles que nous connaissons, avec un niveau de la mer à -10 m. De nombreuses espèces animales ou végétales se sont alors trouvées isolées et ainsi protégées des évolutions du continent, telle la musaraigne musette (Crocidura suaveolens) présente à Hoedic et que l’on ne trouve plus guère en Bretagne continentale. Cette période correspond aussi aux premières occupations humaines connues sur l’archipel, de culture mésolithique. L’estran riche en ressource halieutique pour ces chasseurs-cueilleurs est alors très vaste. Il va se contracter considérablement avec la montée des eaux jusqu’au niveau actuel. On peut estimer que, vers 6000 ans av. J.-C., la surface émergée des terres était quatre fois plus grande que l’actuelle dans l’archipel alors que celle de l’estran était dix fois plus grande.
Et demain ?
Le dernier millénaire a connu quelques modestes fluctuations climatiques. Elles ont eu un effet sur l’environnement et les sociétés, mais peu d’impacts mesurables sur les niveaux marins, globalement stables. La tendance au réchauffement que nous connaissons depuis 150 ans s’est accompagnée d’une hausse du niveau de la mer évaluée à environ +20 cm. Cette variation reste modeste à l’échelle géologique. Les anticipations sur le siècle à venir, basée sur une composante anthropique du réchauffement (CO2), évoquent une hausse qui pourrait atteindre 1 m. Cela ne remettrait pas en cause le statut insulaire de l’archipel mais en redessinerait le trait littoral, en particulier celui de son dispositif dunaire, et gommerait sans doute les étangs rétrolittoraux d’Hoedic. L’étude du climat est cependant une science récente qui semble parfois bien ambitieuse dans la fiabilité de ses alertes. Elle est très dépendante de modèles de prédiction dont la réalisation reste à être confirmée par l’observation des années à venir.